La rue de Muy, petite impasse logée derrière les gares lilloises, abrite les locaux d’une jeune entreprise en développement dans le secteur de l’écomobilité, Cycloville. Il s’agit d’un service de vélos-taxis urbains.
Au rez-de chaussée d’un bâtiment en préfabriqués, deux bureaux et un atelier. Tandis que Romain répare dans ce dernier les rayons brisés d’une roue d’un des « City Cruiser » de la flotte lilloise, 3 commerciaux pianotent et prennent les appels dans un bureau tandis qu’Antoine Duthoit, le PDG, me reçoit.
Inspiré d’une initiative allemande, le service de vélo-taxis Cycloville s’est développé par franchise au cours de ces 5 dernières années et est aujourd’hui présent dans une dizaine de villes en France :
Lille, Arras, Amiens, Compiègne, Caen, Rennes, La Rochelle, Bordeaux, Toulon, Nice, Lyon et Annecy.
Une initiative qui a trouvé sa place en milieu urbain :
On aurait pu craindre que les vélos-taxis ne trouvent pas leur place dans des villes qui bien que prônant de plus en plus les solutions alternatives à la voiture, disposent d’une offre déjà conséquente en la matière : VLS (vélos libre-service), transports en commun (tram, métro, bus), vélos personnel, et autres auto-partages ou co-voiturages.
Mais Antoine Duthoit affiche sa sérénité. Notamment face aux chauffeurs de taxis, seule véritable opposition a l’initiative Cycloville. Le « débat est mal placé » affirme-t-il. « Aujourd’hui tout le monde à conscience d’avoir le choix, parmi les opportunités de déplacement : bus, métro, tram, V’Lille, vélo perso, vélo de location, segway, autopartage, véhicule avec chauffeur qui font de la concurrence directe aux taxis ».
Son système n’entre pas non plus en concurrence avec les chantres de l’écomobilité car il ne vise par expérience, pas les même usagers. Ainsi, de 11h à 19h, du lundi au samedi, Cycloville propose trois types de services distincts…
Le transport de personnes :
Ses clients sont essentiellement des personnes actives mais connaissant des problématiques de mobilité (non-voyants, personnes mal entendantes, personnes agées), percevant « avant tout l’aspect pratique », d’un transport sur mesure avec un chauffeur qui vous accompagne et la création d’un lien. Les trajets sont en moyenne d’un kilomètre pour ce public, constitué surtout de personnes qui, pour certaines, ne sortiraient pas de chez elles sans ce service.
Egalement au programme des tournées, les retours d’école, ou les trajets école-sport-sport-maison. De nombreux parents préfèrent opter pour l’option vélo-taxi pour le transport régulier de leurs enfants. Cette forme de transport semble présenter un aspect rassurant.
Les livraisons par vélos-taxis :
Que l’on ait besoin d’un vélo taxi pour transporter ses courses jusque chez soi ou que l’on soit une entreprise ayant besoin de livrer un colis en ville, Cycloville assure un rôle de transporteur de marchandises autant que de passagers. Bien sûr, l’habitacle du véhicule limite la taille du colis.
5 euros la course HT.
Les visites guidées et commentées :
Visant avant tout les touristes, Cycloville propose également des visites commentées (ce ne sont pas des guides homologués, on dit alors qu’ils « commentent », en tout cas, ils ne « guident » pas). Intelligemment balisées, elles évitent l’écueil du piège à touriste, proposant une sortie des sentiers battus, tracée par des connaisseurs.
Visite d’une heure. 23 euros pour 2 personnes.
Les vélos-taxis de Cycloville en chiffres :
Compter 3-5 euros par trajet moyen, pour une distance de 2-3 km.
Pour une course : 1 euro de prise en charge par personne + 1 euro/km/personne.
12 City cruiser, dont 5 actifs intra-muros (pour Lille). Les autres sont utilisés en cas d’augmentation de la demande, comme au cours d’évènements où un partenariat a pu être monté, ou encore pour des démonstrations. Exemple, lors du World Forum (forum ayant pour thème l’économie responsable), Cycloville met en place des navettes gratuites entre la gare et le Forum (financées par l’organisateur de l’évènement par le biais d’affichage publicitaire sur les véhicules)..
7 emplois ont été créés à Lille en 5 ans. Des CDI. En plus, 5 chauffeurs, à mi-temps ou temps plein, sont rémunérés à la course.
En France, 40 postes sont pourvus pour faire tourner les roues de Cycloville.
La suite page 2 : le city cruiser made in Europe, le financement de Cycloville et les pistes d’Antoine Duthoit pour le succès de l’écomobilité à la campagne.
Le city cruiser made in Europe :
100% made in Europe, ces véhicules sont assemblés à Berlin. L’ensemble des pièces est européen. Roues et freins sont italiens, la cabine est hollandaise, le cadre, tchèque. Même la boîte de vitesse, originellement Shimano est désormais allemande : une Rolloff pour laquelle Antoine Duthoit ne cache pas son admiration.
L’engin coûte cher, 9000 euros HT, pour une espérance de vie allant jusqu’à 10 ans moyennant une bonne maintenance.
Le financement de l’activité :
Versant économique du projet, Cycloville n’a pas choisi la voie de l’associatif pour se développer, préférant avoir recours aux annonceurs plutôt qu’aux subventions. C’est une des raisons de son développement réussi dans plusieurs villes de France, admet Antoine Duthoit.
L’activité est financée en partie par le consommateur qui paye sa course. Le tarif de cette dernière doit rester démocratique, et pour encaisser l’entretien et surtout l’achat des véhicules, le recours aux annonceurs se présente comme la meilleure solution.
L’avis d’Antoine sur l’écomobilité à la campagne :
Volet final de chaque publication, la place de la ruralité dans les projets d’écomobilité.
« L’envie ne manque pas, mais il faut que ce soit facile ».
Principale lacune à améliorer en campagne, « l‘optimisation des transports en commun et l’aide à la mise en place de navettes d’autopartage ». Alors qu’il est compliqué et peu rentable pour les exploitants de développer du jour au lendemain le train, métro ou autre…
Il présente un exemple en Belgique : aux abords de Bruxelles, sur les sorties d’autoroutes à 50 km de la capitale, les gens arrivant des villages, peuvent laisser leur voiture pour en prendre une à quatre personnes. Ils voyagent ainsi dans un véhicule rempli, ont moins de difficulté à se garer, cela désengorge la ville et permet de réaliser des économies, « le premier accélérateur d’alternatives liées à l’écomobilité », conclut Antoine, en profitant pour citer l’exemple de la Hollande, où la petite reine fait clairement la loi. Forcément, l’automobile coûte très cher aux Pays-Bas. L’achat mais aussi le stationnement, ont encouragé la population à avoir recours à un moyen de transport bien plus pratique : le vélo.
Un défi également lié à l’urbanisme :
Antoine poursuit sa réflexion : lors du développement d’un projet immobilier, développé par un secteur privé, un emplacement sera quasiment toujours réservé au parking d’un véhicule juste DEVANT le domicile. C’est une habitude de consommation qu’il faudrait modifier, en créant des espaces permettant d’avoir de vrai zones d’oxygénation, sans voiture.
Il faut un panel, voitures hybrides, GPL, la possibilité de mettre le vélo dans le train, l’auto-partage et toutes les solutions d’éco-mobilité possibles pour réussir le défi énergétique à venir.
A Lille, points d’attente Cycloville 11h-19h du lundi au samedi : Rihour, place Richebé, en bas de l’escalier de Lille Europe
Merci à Antoine pour son temps. La semaine prochaine, auto-partage et co-voiturage au programme.
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