Consommer Durable

Les planches à billets locales de l’économie sociale et solidaire

En Europe, et au sein de l’UE, nous avons l’Euro, mais aussi des monnaies aux noms étranges, tels que Fiorito, Chiemgauer, Abeille, Lewes Pound… ceux de devises, italiennes, allemandes, françaises ou anglaises, légales et alternatives à la monnaie unique. Elles fonctionnent en circuit fermé, le principal objectif étant ainsi de redynamiser le tissu économique local en soutenant les petits commerçants, artisans et agriculteurs locaux. En contrepartie, ces derniers s’engagent à respecter les principes de développement durable, de solidarité et d’écologie.

C’est localement, de façon endémique, que des groupements de citoyens se fédèrent en associations, et prennent la décision de recourir à ces monnaies créées de toute pièce, mais néanmoins parfaitement légales, complémentaires et à parité fixe, ce qui signifie qu’une unité de chacune de ces devise correspond à la valeur d’un Euro.

En France, chaque ville finira peut etre par posséder sa devise locale :

Toulouse à lancé le SOL violette en mai, Angers prépare l’eCHo, Aubenas, le Bogue, en Lorraine on pourra remplir son porte monnaie de Deodat… et de nombreux autres projets sont en cours de lancement.

Comme les tickets restaurant ou les bons de réduction, ce sont des monnaies « fondantes », qui perdent de leur valeur si elles ne sont pas utilisées. Elles ne peuvent donc pas se thésauriser (s’épargner), mais doivent être constamment en mouvement entre les membres d’un groupement qui comprend commerces, entreprises et consommateurs.

Une génèse :

On pourrait croire à une réponse citoyenne à la crise actuelle, ce qui n’est que partiellement vrai. Les monnaies alternatives ne sont pas une nouveauté : elles existaient au Moyen Age, ont refait leur apparition durant la crise de 1929 et reviennent aujourd’hui un peu partout dans le monde, au goût du jour. Parfum crise économique… Dans le monde virtuel également, les amateurs de jeux en réseaux les ont déjà expérimenté sur Second Life, ou World of Warcraft.

L’Economie sociale et solidaire a ses monnaies :

Il s’agit d’une réponse à un besoin : ces monnaies réapparaissent en contexte de crise, afin de favoriser le développement ou la reprise de l’activité locale. Une réponse à une défaillance entre le potentiel de ressources inemployées d’un territoire et les besoins de ses acteurs économiques locaux.

Il s’agit d’une alternative à la surconsommation, par son fonctionnement qui privilégie l’achat de biens durables. Durables au sens de développement durable avec une prédilection pour les échanges commerciaux locaux.

Les monnaies locales complémentaires (MLC) sont des devises non soutenues au niveau national. Comme leur nom l’indique, elles sont à usage local uniquement. Mais « non-soutenues » au niveau national ne veut pas dire dissidentes ! Au contraire, dans le cadre de politiques nationales destinées à soutenir l’économie locale, des subventions gouvernementales et des financements sont octroyés en devises locales. Les municipalités acceptent également un paiement partiel des taxes en monnaie locale.

Les monnaies locales permettent de tester grandeur nature un système économique local et d’observer sa pérennité…

Scène d'inscription et de change dans un bureau dédié aux systèmes des monnaies complémentaires

La suite page 2 ! >> S’insérer dans les échanges globaux en préservant les richesses locales>>

Penser le local dans le global :

En ces temps de crise économique, de tendance à la spéculation abusive des banques soupçonnées de servir les intérêts de leurs actionnaires plutôt que ceux de la communauté, dans un contexte de globalisation des échanges marchands qui laisse sur la paille les petits et fait la part belle aux géants, il faut repenser le concept de localité au sein de ce « New-new Deal » international.

L'Abeille de Villeneuve-sur-Lot. Pionnière de la monnaie locale en France

L’idée n’est pas  de rejeter en bloc la globalisation. Ce serait nier l’évidence. Il s’agit plutôt de s’y intégrer de la manière la plus pertinente et juste possible. Pour ce faire, privilégier les structures locales, l’économie et ses acteurs locaux, ressources, entreprises, etc. ne signifie donc pas s’isoler face à la mondialisation mais bien s’insérer dans les échanges globaux tout en préservant les richesses locales.

S’intègrent parfaitement à ces considérations les problématiques écologiques : privilégier les circuits courts permet d’avancer notamment sur la diminution des effets néfastes du transport… et offre une prise pour une réflexion moderne sur les besoins, et les circuits de consommation, éthiques et équitables.

Privilégier l’économie réelle et citoyenne :

L’économie réelle, c’est une activité économique sans sa partie spéculative, c’est à dire en dehors de la finance et de la bourse.

Une réappropriation citoyenne de l’usage de la monnaie :

Une monnaie locale correspond à un pouvoir démocratique local, qui régit son utilisation au sein d’un territoire donné. Cela permet entre autre de se réapproprier l’usage de la monnaie, aujourd’hui monopolisé par les banques. En effet, l’impression, la garantie d’infalsifiabilité, la gestion du flux et la mise à disposition d’une planche à billet (locale, donc) sont soumis à la responsabilité des acteurs locaux de l’initiative…

Épilogue :

Les monnaies locales seraient elles porteuses d’avenir à l’heure ou le système capitaliste se confronte à sa propre logique ?

Lao Tseu disait :  « la meilleure gouvernance, c’est quand les gens finissent par affirmer qu’ils ont fait les choses par eux mêmes« .

Jacques Dufresnes, philosophe québécois spécialiste des questions économiques, donnait l’écho en 2009, dans son article : « 2009, année de la monnaie et de la solidarité locale »  de l’Encyclopédie de la francophonie :

« Les villes en transition adoptent (la monnaie locale) parce que, compte tenu de leur mission, qui est de faire face à la double crise du pic pétrolier et du réchauffement climatique, elle constitue pour elles un outil pratiquement indispensable. Il va sans dire qu’elle favorise le commerce local et qu’elle contribue ainsi non seulement à réduire les frais de transport mais aussi à libérer l’agriculture de sa dépendance à l’endroit des produits dérivés du pétrole.

Le renforcement de la solidarité locale en temps normal et de la sécurité locale en période de crise, avait été jusque maintenant le mobile principal de ce que certains appellent les monnaies complémentaires. L’épuisement des ressources non-renouvelables et le réchauffement climatique ont fait apparaître de nouveaux mobiles, si puissants que le mouvement pourrait très bien prendre une grande ampleur et survivre à l’actuelle crise économique. »

En France, Le Havre et Boulogne sur Mer sont les prochaines villes à lancer leur monnaie.  En Allemagne, sont en circulation ou en cours de lancement une soixantaine de monnaies régionales, aux Etats -Unis, 75 systèmes sont opérationnels…

A suivre… et vous, avez-vous une expérience dans ce domaine ?

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