Les OGM, une seconde Révolution Verte. Sera-t-elle aussi meurtrière ? L’exemple de l’Inde.
« Les OGM seront indispensables pour nourrir les 9 milliards d’habitants de notre planète en 2050» Vraiment ?? Pas de blague cette fois-ci !! Il y a 40 ans le même argument était utilisé pour imposer les semences à haut rendement dans le Tiers-Monde. En Inde, la Révolution Verte était présentée comme une nécessité pour nourrir ses populations affamées. Les semences ‘miracles’ promettaient de transformer le pays en grenier a blé. Bref, les images de misère et de famine feraient désormais partie des archives. Enfin, c’est ce que garantissaient les promoteurs de la Révolution Verte c’est-à-dire le gouvernement américain, la banque mondiale et des institutions américaines privées.
Mais pourquoi soudainement l’Amérique se préoccupait tant d’assouvir la pauvreté de l’Inde et du Tiers –monde ?? L’Amérique, si altruiste, si charitable, tout d’un coup au service de l’humanité !? Trop beau pour être vrai !
Et oui ! Trop beau pour être vrai ! Mais pour comprendre cela, il me faut vous raconter l’histoire de la Révolution Verte, une histoire qui remonte à la fin de la première guerre mondiale quand les industries chimiques, engagées alors dans la manufacture d’explosifs, devaient trouver un débouché pour écouler leurs stocks de produits azotés de synthèse. Ce débouché, ils le trouvèrent dans la fabrication des engrais pour l’agriculture.
Ainsi la reconversion de l’industrie des explosifs permettait de produire, à bas prix, des engrais azotés. Maintenant, il fallait des semences qui tolèrent ces types d’engrais et c’est ainsi que les semences à haut rendement virent le jour. Ces semences donnaient des rendements fabuleux. Leur seul problème : leur susceptibilité aux attaques d’insectes. Et là aussi, la reconversion des gaz de combat utilisés pour tuer les juifs dans les camps de concentration nazis fournit les premiers pesticides.
Maintenant il fallait des preneurs pour ce modèle d’agriculture chimique. Comme ils étaient peu nombreux, les Etats-Unis se donnèrent le devoir de l’imposer. Tout d’abord au Mexique et puis en Inde.
L’Inde en 1966 était sur le point de la famine. Non parce que son agriculture paysanne traditionnelle était inefficace mais simplement parce que 20 ans n’est pas suffisants pour récupérer de 200 ans de colonisation !! L’Inde se vu donc dans la nécessité de faire appel à l’aide internationale. Et c’est là que le président américain de l’époque, Lyndon Jhonson, utilisa le chantage pour imposer la Révolution Verte. L’aide alimentaire ne parviendrait aux populations affamées que si les dirigeants indiens acceptaient tout d’abord de signer en faveur de la Révolution Verte. C’était soit introduire les semences à haut rendement, les engrais et autoriser les multinationales américaines… ou laisser les populations mourir de faim.
Le pire de tout, c’est que l’Amérique imposait en Inde un modèle agricole qui déjà aux USA donnait des signes d’alarme. En effet, en 1962, Rachel Carson dénonçait dans son livre Silent Spring les dangers de l’agriculture chimique.
Encore plus dramatique, est, qu’à cette époque, de nombreux chercheurs et agronomes indiens travaillaient pour ressusciter l’agriculture indigène traditionnelle qui fit de l’Inde un des pays les plus prospères du monde préalablement à la colonisation. Malheureusement avec la RV imposée, ce modèle d’agriculture écologique fut rejeté et oublié.
Les 20 premières années qui suivirent la RV apportèrent une prospérité soudaine dans le Punjab, le point de départ de la RV en Inde. Mais très vite le conte de fée tourna au cauchemar : terres contaminées, pollution, épuisement des nappes phréatiques, perte de la biodiversité agricole et aujourd’hui une épidémie de cancer.
Le Punjab connait la plus haute consommation de pesticides du pays. Cet état dans le nord-ouest de l’Inde représente 1,5% des terres mais consomme 18% des pesticides utilisés par l’agriculture indienne. Trop souvent, les pesticides sont employés sans scrupule. Si un pesticide est supposé être pulvérisé 1 ou 2 X par saison, il est pulvérisé 10X. Bien que les bidons de pesticides aient une étiquette informant sur les dangers du produit, les fermiers sont souvent illettrés et ne lisent certainement pas l’anglais. De plus, il n’existe aucune réglementation concernant l’utilisation des pesticides. N’importe qui peut vendre ces produits dangereux qui s’achètent au magasin du coin. Chacun est libre de faire ses mélanges et concoctions ingénieuses (j’ai même entendu dire qu’un mélange de pesticides et de whisky serait une potion très efficace dans le contrôle des insectes nuisibles). Et bien sûr, dans un pays peu informé quant aux dangers des pesticides, personne ne porte de vêtements protecteurs. Les pesticides sont appliqués à mains nues. Dans le Punjab, j’ai vu des enfants jouer dans les champs de blé en train d’être pulvérisés. Les enfants jouent football avec les bidons de pesticides vides. A la maison, les femmes conservent massalas (épices) et graines dans les conteneurs de pesticides qui adornent les étagères de la cuisine….
Sans aucun doute, le Punjab se retrouve aujourd’hui avec un des écosystèmes les plus contaminés. La chaîne alimentaire, les sources d’eau, le sol, le lait maternel…et même le sang qui coule dans les veines des habitants du Punjab, tout est imprégné de ces molécules cancérigènes des résidus de pesticides. Bien que peu d’agronomes de l’Université Agraire du Punjab sont prêts à le reconnaître, l’utilisation abusive des pesticides explique l’épidémie de cancer qui frappe le Punjab actuellement.
A 21h30, le train no 339 entre en gare à Bathinda. Ici, le train no339 est surnommé ‘le train du cancer’ car tous les jours, ils sont des dizaines de cancéreux (jeunes et vieux) à prendre ce train pour Bikaner (Rajasthan) où se trouve l’Acharya Tulsi Regional Cancer Treatment and Research Centre, un hôpital charitable. Bien sûr, ici, pas de sécurité sociale, pas d’associations ‘Aide au Cancer’, pas d’assistance psychologique…
Le Punjab n’est pas le seul état de l’Inde à souffrir d’une épidémie de cancer. Dans le Bengale occidental (et Bangladesh), ils sont des millions à boire une eau sévèrement contaminée par l’arsenic et des milliers à exhiber des symptômes d’empoisonnement : lésions cutanées, gangrènes, et cancers …
Mais qu’elle est le rapport entre la contamination de l’eau par l’arsenic et la Révolution Verte ?? Là, il faut se rappeler que les semences à haut rendement de la RV demandent non seulement des engrais et des pesticides mais aussi 3X plus d’eau que les variétés traditionnelles. Avec la RV, l’exploitation intensive de la nappe phréatique devint une nécessité pour assurer une irrigation adéquate. Ainsi dans le Bengale, les puits traditionnels (peu profonds et alimentés en eau de pluie) furent remplacés par des puits tubulaires qui puisent l’eau dans des nappes souterraines contaminées à l’arsenic et qualifiées «d’eau du diable».
La contamination par l’arsenic serait la plus grande calamité ‘naturelle’ dans le monde en terme de populations affectées. Selon l’OMS, ce serait le plus grand empoisonnement collectif de l’Histoire. Si rien n’est fait pour résoudre ce problème, des millions de Bengalis sont condamnés a mort.
Et qu’en est-il des OGM ?
Les OGM entre dans la même logique que la Révolution Verte : une logique meurtrière. L’objectif premier des OGM n’est pas de lutter contre la pauvreté et la faim dans le monde mais de donner à quelques grandes industries le monopole des semences, et un marché énorme garantissant des bénéfices financiers gigantesques.
En Inde, l’échec de nombreuses variétés OGM a poussé des milliers de paysans endettés à se suicider ; 182,900 paysans indiens se sont suicidés entre1997 et 2007.
Les semences OGM seraient garanties protégées contre les infestations de parasites et ne demanderaient donc aucune application de pesticides. De plus ces semences ‘magiques’ donneraient des rendements encore plus extraordinaires que les semences de la RV. Demandez aux familles des paysans qui se sont suicidés ce qu’ils en pensent ??
Pire, les plantes modifiées génétiquement contiennent la technologie ‘Terminator’, ce qui signifie que la plante ne produit pas de semences viables. Le paysan doit donc, chaque année, acheter des nouvelles semences qui sont outrageusement onéreuses (les semences OGM coûtent 1000X plus que les semences traditionnelles). Et si la récolte est perdue, le paysan se retrouve endetté pour plusieurs générations.
De plus, les OGM contribuent à une perte totale de la biodiversité (et si la technologie « Terminator » de Mosanto se propageait aux autres plantes ??). Remarquons enfin que les OGM ne sont pas garanties sans risque pour la santé !!
Pour nourrir ses 9 milliards d’habitants, notre planète n’a pas besoin des semences à haut rendement et des OGM. Pour nourrir ses habitants, notre planète se doit de remettre en place une agriculture de conservation qui repose sur des principes éthiques : écologiques, sociaux et économiques. (Pour en savoir plus sur l’agriculture de conservation, voir prochain article)
Article rédigé par Muriel Kakani